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“813”
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Il ne s’expliquait pas qu’il mangeât, comme les autres, du pain et de la viande, et qu’il bût de la bière comme le premier venu, lui qu’il avait imaginé ainsi qu’une bête immonde qui se repaît de chair vivante et suce le sang de ses victimes.

— Allons-nous-en, Doudeville.

— Qu’est-ce que vous avez, patron ? vous êtes tout pâle.

— J’ai besoin d’air. Sortons.

Dehors, il respira largement, essuya son front couvert de sueur et murmura :

— Ça va mieux. J’étouffais.

Et, se dominant, il reprit :

— Doudeville, le dénouement approche. Depuis des semaines, je lutte à tâtons contre l’invisible ennemi. Et voilà tout à coup que le hasard le met sur mon chemin ! Maintenant, la partie est égale.

— Si l’on se séparait, patron ? Notre homme nous a vus ensemble. Il nous remarquera moins, l’un sans l’autre.

— Nous a-t-il vus ? dit Lupin pensivement. Il semble ne rien voir, et ne rien entendre, et ne rien regarder. Quel type déconcertant !

Et de fait, dix minutes après, Léon Massier apparut et s’éloigna, sans même observer s’il était suivi. Il avait allumé une cigarette et fumait, l’une de ses mains derrière le dos, marchant en flâneur qui jouit du soleil et de l’air frais, et qui ne soupçonne pas qu’on peut surveiller sa promenade.

Il franchit l’octroi, longea les fortifications, sortit de nouveau par la porte Champerret, et revint sur ses pas par la route de la Révolte.