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changé de vêtements ? et quels vêtements aurait-il maintenant ?

— Je l’ignore, mais j’affirme.

— Et vous lui livrez passage ? Mais il va s’en aller tout tranquillement, les mains dans ses poches.

— Celui des voyageurs qui s’en ira ainsi, sans ses bagages, et qui ne reviendra pas, sera le coupable. Monsieur le directeur, veuillez m’accompagner au bureau. Je voudrais étudier de près la liste de vos clients.

Au bureau, M. Lenormand trouva quelques lettres à l’adresse de M. Kesselbach. Il les remit au juge d’instruction.

Il y avait aussi un colis que venait d’apporter le service des colis postaux parisiens. Comme le papier qui l’entourait était en partie déchiré, M. Lenormand put voir une cassette d’ébène sur laquelle était gravé le nom de Rudolf Kesselbach.

Intrigué, il ouvrit. Outre les débris d’une glace dont on voyait encore l’emplacement à l’intérieur du couvercle, la cassette contenait la carte d’Arsène Lupin.

Mais un détail frappa vivement le chef de la Sûreté. À l’extérieur, sous la boîte, il y avait une petite étiquette bordée de bleu, pareille à l’étiquette ramassée dans la chambre du quatrième étage où l’on avait trouvé l’étui a cigarettes, et cette étiquette portait également le chiffre 813.


Chapitre II

M. Lenormand commence ses opérations



I


— Auguste, faites entrer M. Lenormand.

L’huissier sortit et quelques secondes plus tard introduisit le chef de la Sûreté.

Il y avait, dans le vaste cabinet du ministère de la place Beauvau, trois personnes : le fameux Valenglay, leader du parti radical depuis trente ans, actuellement président du conseil et ministre de l’intérieur ; M. Testard, procureur général, et le préfet de police Delaume.

Le préfet de police et le procureur général ne quittèrent pas les chaises où ils avaient pris place pendant la longue conversation qu’ils venaient d’avoir avec le président du conseil, mais celui-ci se leva, et, serrant la main du chef de la Sûreté, lui dit du ton le plus cordial :

— Je ne doute pas, mon cher Lenormand, que vous ne sachiez la raison pour laquelle je vous ai prié de venir ?

— L’affaire Kesselbach ?

— Oui.


L’affaire Kesselbach ! il n’est personne qui ne se rappelle, non seulement cette tragique affaire Kesselbach dont j’ai entrepris de débrouiller l’écheveau complexe, mais encore les moindres péripéties du drame qui nous passionna tous ces dernières années.

Et personne non plus qui ne se souvienne de l’extraordinaire émotion qu’elle souleva en France et hors de France.

Et cependant, plus encore que ce triple meurtre accompli dans des circonstances si