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ta. À droite, quatre chambres. Deux étaient habitées par un monsieur Reverdat et un Italien, le baron Giacomini, tous deux sortis à cette heure-là. Dans la troisième chambre, on trouva une vieille demoiselle anglaise, encore couchée, et dans la quatrième un Anglais qui lisait et fumait paisiblement et que les bruits du corridor n’avaient pu distraire de sa lecture. Il s’appelait le major Parbury.

Perquisitions et interrogatoires, d’ailleurs, ne donnèrent aucun résultat. La vieille demoiselle n’avait rien entendu avant les exclamations des agents, ni bruit de lutte, ni cri d’agonie, ni querelle ; le major Parbury non plus.

En outre on ne recueillit aucun indice équivoque, aucune trace de sang, rien qui laissât supposer que le malheureux Chapman eût passé par l’une de ces pièces.

— Bizarre, murmura le juge d’instruction… Tout cela est vraiment bizarre…

Et il avoua naïvement :

— Je comprends de moins en moins… Il y a là une série de circonstances qui m’échappent en partie. Qu’en pensez-vous, monsieur Lenormand ?

M. Lenormand allait lui décocher sans doute une de ces ripostes aiguës par quoi se manifestait sa mauvaise humeur ordinaire, quand Gourel survint, tout essoufflé.

— Chef… on a trouvé ça… en bas… dans le bureau de l’hôtel… sur une chaise…

C’était un paquet de dimensions restreintes, noué dans une enveloppe de serge noire.

— On l’a ouvert ? demanda le chef.

— Oui, mais lorsque l’on a vu ce qu’il contenait, on a refait le paquet exactement comme il était… serré très fort, vous pouvez le voir.

— Dénoue !

Gourel enleva l’enveloppe et découvrit un pantalon et une veste en molleton noir, que l’on avait dû, les plis de l’étoffe l’attestaient, empiler hâtivement.

Au milieu, il y avait une serviette toute tachée de sang, et que l’on avait plongée dans l’eau, sans doute pour détruire la marque des mains qui s’y étaient essuyées.

Dans la serviette, un stylet d’acier, au manche incrusté d’or. Il était rouge de sang, lui aussi, du sang de trois hommes égorgés en quelques heures, par une main invisible, parmi la foule des trois cents personnes qui allaient et venaient dans le vaste hôtel.

Edwards, le domestique, reconnut aussitôt le stylet comme appartenant à M. Kesselbach. La veille encore, avant l’agression de Lupin, Edwards l’avait vu sur la table.

— Monsieur le directeur, fit le chef de la Sûreté, la consigne est levée. Gourel, va donner l’ordre qu’on laisse les portes libres.

— Vous croyez donc que ce Lupin a pu sortir ? interrogea M. Formerie.

— Non. L’auteur du triple assassinat que nous venons de constater est dans l’hôtel, dans une des chambres, ou plutôt mêlé aux voyageurs qui sont dans le hall ou dans les salons. Pour moi, il habitait l’hôtel.

— Impossible ! Et puis, où aurait-il