Page:Leblanc - 813, paru dans Le Journal, du 5 mars au 24 mai 1910.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’huissier se présenta au seuil de la perte et attendit.

Valenglay se tourna vers le chef.

— Eh bien, Lenormand, on attend vos ordres… Qui doit-on introduire ?

— Personne.

— Mais ce coquin dont vous nous avez promis l’arrestation ? Les six minutes sont largement écoulées.

— Oui, mais le coquin est ici.

— Comment ! Je ne comprends pas… personne n’est entré.

— Si.

— Ah ! çà… Mais… voyons… Lenormand, vous vous moquez de nous… Je vous répète qu’il n’est entré personne.

— Et moi, monsieur le président, je vous répète qu’il est entré quelqu’un.

— Mais qui, sacrebleu ?

— Nous étions quatre, dans ce bureau, nous sommes cinq. Par conséquent, il est entré quelqu’un.

Valenglay sursauta.

— Hein ! mais c’est de la folie !… quoi ! vous voulez dire…

Les deux agents s’étaient glissés entre la porte et l’huissier.

M. Lenormand s’approcha de celui-ci, lui plaqua les mains sur l’épaule, et d’une voix forte :

— Au nom de la loi, Daileron, Auguste-Maximin-Philippe, chef des huissiers à la présidence du conseil, je vous arrête.

Valenglay éclata de rire :

— Ah ! elle est bonne… Celle-là est bonne… ce sacré Lenormand, il en a de drôles ! Bravo, Lenormand, il y a longtemps que je n’avais ri comme ça…

M. Lenormand se tourna vers le procureur général :

— Monsieur le procureur général, n’oubliez pas de mettre sur le mandat la profession du sieur Daileron, n’est-ce pas ? chef des huissiers à la présidence du conseil…

— Mais oui… mais oui… chef des huissiers à… la présidence du conseil… bégaya Valenglay qui se tenait les côtes… Ah ! ce bon Lenormand a des trouvailles de génie… le public réclame une arrestation… v’lan, il lui flanque par la tête qui ? mon chef des huissiers… Auguste… le serviteur modèle… Eh bien, vrai, Lenormand, je vous savais une certaine dose de fantaisie, mais pas, à ce point-là, mon cher !… Quel culot !…

Depuis le début de la scène, Auguste n’avait pas bougé et semblait ne rien comprendre à ce qui se passait autour de lui. Sa bonne figure de subalterne loyal et fidèle avait un air absolument ahuri. Il regardait tour à tour ses interlocuteurs avec un effort visible pour saisir le sens de leurs paroles.

Valenglay s’avança vers lui.