Page:Leblanc - 813, paru dans Le Journal, du 5 mars au 24 mai 1910.djvu/69

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Geneviève se tut. Elle avait parlé jusque-là, mais avec l’impression si nette que Dolorès ne, l’écoutait pas, perdue dans ses pensées douloureuses, qu’elle préféra respecter le silence de sa triste compagne.

Sur les pentes de gazon qui descendaient vers l’eau immobile, les marguerites, les pommeroles, les violettes, les narcisses, le muguet, toutes les petites fleurs d’avril et de mai, se groupaient et formaient, çà et là, comme des constellations de toutes les couleurs. Le soleil se penchait à l’horizon.

— J’ai peur, fit Dolorès avec un frémissement de tout son être.

— Quoi ? fit Geneviève tressautant,

— Oui, j’ai peur… C’est un pressentiment… J’en ai quelquefois, quand un malheur est proche…

— Mais rien ne nous menace…

— Si, si… Vous oubliez la lettre… Et puis, ce. paysage est désolant… Regardez cette eau morte… Allons-nous en… Quelle heure est-il ?

— Six heures moins dix. Moi-même, j’ai un rendez-vous qui m’oblige…

Elles aperçurent deux petites filles qui jouaient, à quelque distance, et qui dansaient en chantant et en se tenant par la main.

Ce spectacle rassura Dolorès, qui se mit à causer avec les deux enfants et leur donna de la menue monnaie.

Et Geneviève lui dit :

— Écoutez… On entend la trompe d’une automobile… Croyez-moi, madame, nous sommes bien en sûreté.