Page:Leblanc - 813, paru dans Le Journal, du 5 mars au 24 mai 1910.djvu/80

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aux épaules et bégaya, la voix coupée de sanglots :

— C’est abominable… c’est ignoble, ce que tu me fais faire !… Une honnête femme comme moi !… Ah !… comment peux-tu ?… Tu n’as donc pas de cœur ?…

IV

Posément, sans brusquerie, le prince Sernine détacha l’une après l’autre les deux mains qui l’agrippaient, à son tour empoigna la vieille dame parles épaules, l’assit dans un fauteuil, se baissa vers elle, et, d’un ton très calme, lui dit :

— La barbe !

Elle essaya de se dégager.

— Oui… oui… abominable !… odieux !… Si tu la connaissais comme moi ! Un ange pareil !… Il n’y en a pas deux au monde comme cela… Mais tu n’as donc plus de cœur, plus rien. Voyons, réfléchis…

— C’est tout réfléchi.

— Et alors ?

— Alors, tu m’embêtes !

Et prenant son chapeau, il s’en alla sans plus d’explication, tandis que Mme Ernemont continuait de maugréer sur son fauteuil.


Le prince Sernine rejoignit son automobile au coin de la grand’route.

— Au Palace-Hôtel, dit-il au mécanicien. Quatrième vitesse.

Un quart d’heure après l’auto stoppait sur l’avenue.

Trois personnes attendaient le prince dans la chambre où il était venu s’installer au lendemain même de l’affaire Kesselbach, et qui était une des chambres du premier étage, devant lesquelles on avait trouvé le cadavre de Chapman.

— Vite, dit-il en entrant et en voyant les trois personnes, je suis pressé. Expédions le rapport, Varnier, tu as été reprendre la limousine avec Jules ?

― Oui, patron, elle est au garage.

— Et Jules ?

— Rentré chez lui.

— Eh bien, qu’il s’en aille de chez lui pendant quinze jours.

— Quelle raison lui donner ?