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L’ILLUSTRATION THÉÂTRALE

Sonia. — Mais le train, il doit y avoir un train.

Gournay-Martin. — Un train, mais nous sommes à douze heures de Paris. À quelle heure arriverons-nous ?

Germaine. — L’important est de filer d’ici.

Gournay-Martin. — Ça, évidemment.

Le Duc. — Qu’ai-je fait de l’indicateur ? Ah ! oui, il est là !… (Feuilletant.) Paris ! Paris !

Gournay-Martin. — Eh bien, il y a un train ?

Le Duc. — Attendez ! (À Gournay-Martin.) Quelle heure est-il ?

Germaine, vivement. — Sept heures dix.

Sonia, vivement. — Sept heures moins vingt-quatre.

Gournay-Martin, vivement. — Sept heures.

Le Duc, vivement. — Oui… enfin… toujours dans les sept heures… Eh bien, vous avez le temps, vous avez un train à huit heures et demie.

Germaine. — Il y a un wagon-restaurant ?

Le Duc. — Oui, il y en a un, parfaitement, et vous arrivez à… cinq heures du matin.

Germaine. — On va être frais.

Gournay-Martin. — Tant pis. Tu veux partir ? Eh bien, il faut partir. (À Jean.) Vous êtes en état de mettre la cent-chevaux en marche ?

Jean, qui est resté à l’écart et qui écoute avec attention. — Ah ! pour ce qui est de l’état, monsieur, ça va bien, mais pour ce qui est de l’auto…

Gournay-Martin. — Comment ?

Jean. — Monsieur sait bien… les pneus d’arrière sont crevés. Il faut bien une demi-heure…

Gournay-Martin. — Isolés ! c’est l’isolement ! plus moyen d’arriver à la gare.

Jean. — Si monsieur et ces demoiselles veulent bien se contenter, on peut faire atteler.

Tous. — Ah !

Jean. — Il y a la charrette.

Tous. — Ah !

Gournay-Martin. — Tant pis. À aucun prix il ne faut passer la nuit ici. Vous savez atteler, vous ?

Jean. — Dame, une charrette ! Seulement je ne sais pas conduire.

Gournay-Martin. — Je conduirai moi-même.

Germaine. — Oh ! papa ! Eh bien, ça va être du propre.

Gournay-Martin. — Voyons, partez partez, (Les poussant dehors, il revient.) c’est la meilleure solution… Ah ! mais non.

Le Duc. — Quoi ?

Gournay-Martin. — Et le château ? Qui gardera le château ? Il faut au moins barricader… fermer les volets. J’ai bien confiance en Firmin, mais qui me dit qu’une fois que je serai parti, il s’en occupera, plutôt que d’aller boire la goutte ?

Le Duc. — Ne vous inquiétez pas, je resterai.

Gournay-Martin. — Et comment reviendrez vous ? J’ai besoin de vous à Paris.

Le Duc. — Eh bien, et la cent-chevaux ?

Gournay-Martin. — Les pneus !… les pneus sont crevés. Ah ! l’acharnement du sort.

Le Duc. — Ne vous affolez pas comme ça. Pendant qu’on vous conduira à la gare, Jean changera les pneus.

Entre Firmin.

Gournay-Martin, vivement. — Ah ! Firmin ! Justement… Voilà ! nous partons. Vous allez garder le château avec Jean.

Firmin. — Bien, monsieur.

Gournay-Martin. — Je m’attends à tout, Firmin. À un cambriolage, à n’importe quoi ! Souvenez-vous que vous étiez garde-chasse.

Firmin. — Que monsieur n’ait pas peur. J’ai vu la guerre de 1870. Seulement, où c’est que monsieur et ces dames s’en vont comme ça sur la charrette ?

Gournay-Martin. — À la gare, naturellement.

Firmin. — À la gare !

Gournay-Martin, précipitamment. — Mon Dieu ! Sept heures et demie, nous n’avons plus qu’une demi-heure. (À Germaine qui entre avec sa valise à la main.) Eh bien, tu es prête ? Où est Sonia ?

Germaine, même jeu. — Elle descend. Jacques, je ne peux pas fermer ma valise.

Le Duc. — Voilà… Eh bien, il est matériellement impossible de la fermer. Qu’est-ce que vous avez mis là dedans ?

Germaine, même jeu. — Eh bien, j’en ai mis trop, (À Irma.) portez-la comme ça dans la voiture.

Irma, sortant. — Quelle affaire, mon Dieu !

Firmin, entrant en courant. — La charrette de monsieur est attelée.

Sonia, arrivant à droite. — Ah ! je suis prête. Mais je ne sais pas comment j’ai mis mon chapeau.

Elle va vers le chiffonnier et se regarde dans la glace qui le surmonte.

Firmin. — Seulement, monsieur, il n’y a pas de cocher.

Gournay-Martin. — Alors ? Je conduirai moi-même.

Firmin. — Il n’y a pas de lanterne non plus.

Germaine. — Pourvu qu’il y ait un train.

Gournay-Martin, vivement. — Au revoir, mon bon Jacques, arrivez à l’aube, et tout de suite, réveillez Guerchard… la préfecture… Je me fie à vous.

Germaine, vivement. — Au revoir, Jacques. Si vous pouvez emporter dans la cent-chevaux mes trois cartons à chapeaux…

Gournay-Martin, vivement. — Il s’agit bien de chapeaux ! Veux-tu venir ! Nous n’arriverons jamais.

Germaine, vivement. — Nous avons vingt-cinq minutes.

Gournay-Martin, vivement. — Oui, mais c’est moi qui conduis.

Ils sortent.

Germaine, déjà dehors. — Mon écrin ! J’ai oublié mon écrin !

Gournay-Martin, dans la coulisse. — Il n’y a plus le temps.

Germaine, dans la coulisse. — Jacques, sur le chiffonnier… je crois… mon écrin… cherchez-le.

Le Duc, dehors. — Oui, oui, dépêchons.

La scène reste vide un instant.


Scène IX

LE DUC, puis FIRMIN

Le Duc, rentrant. — Quel chien de temps ! (Il sifflote.) Et il y a encore de fameux éclairs. Voyons… L’écrin… Elle m’a dit : « Sur le chiffonnier ». (Il le prend et l’ouvre, stupéfait.) Hein ? Comment ! il est vide ! (il revient vers la porte.) Germaine ! Ah ! il est trop tard ! Ça, par exemple, vide !… Oh ! que je suis bête ! C’est Sonia ou la femme de chambre qui aura emporté les bijoux pour Germaine.

Firmin, entrant. Il a un fusil en bandoulière, un ceinturon de garde-chasse, une gourde et un panier de provisions avec une bouteille qui surgit. — Voilà mon fusil, mon