Page:Leblanc - Arsène Lupin contre Herlock Sholmes, 1908.djvu/131

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Mais Sholmès s’étonna davantage quand Lupin, ayant pénétré dans un bureau de tabac, les quatre hommes s’arrêtèrent — et davantage encore quand ils repartirent en même temps que lui, mais isolément, chacun suivant de son côté la Chaussée d’Antin.

— Malédiction, pensa Sholmès, il est donc filé !

L’idée que d’autres étaient sur la trace d’Arsène Lupin, que d’autres lui raviraient, non pas la gloire, — il s’en inquiétait peu — mais le plaisir immense, l’ardente volupté de réduire, à lui seul, le plus redoutable ennemi qu’il eût jamais rencontré, cette idée l’exaspérait. Cependant l’erreur n’était pas possible : les hommes avaient cet air détaché, cet air trop naturel de ceux qui, tout en réglant leur allure sur l’allure d’une autre personne, ne veulent pas être remarqués.

— Ganimard en saurait-il plus long qu’il ne le dit ? murmura Sholmès… Se joue-t-il de moi ?

Il eut envie d’accoster l’un des quatre individus, afin de se concerter avec lui. Mais aux approches du boulevard, la foule devenant plus dense, il craignit de perdre Lupin, et pressa le pas. Il déboucha au moment où Lupin gravissait le perron du restaurant Hongrois, à l’angle de la rue du Helder. La porte en était ouverte de telle façon que Sholmès, assis sur un banc du boulevard, de l’autre côté de la rue, le vit qui prenait place à une table luxueusement servie, ornée de fleurs, et où se trouvaient déjà trois messieurs en habit et deux dames d’une grande élégance, qui l’ac-