Aller au contenu

Page:Leblanc - Ceux qui souffrent, recueil de nouvelles reconstitué par les journaux de 1892 à 1894.pdf/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il en résulta chez elle une grande timidité. Elle se troublait les rares fois où on lui adressait la parole. Elle prit en haine les personnes qui la favorisaient de quelque attention. Chaque jour apportant encore un peu d’ombre à l’obscurité où la maintenait sa nature, son besoin se fortifiait de vivre à l’écart, en dehors des jeux et des entretiens d’autrui.

Cette sauvagerie se compliquait d’un instinct qu’exaspéra la première communion, une pudeur maladive. Tout ce que la religion en son langage vague, offre aux jeunes âmes, de mystères, de réticences, de sous-entendus, son esprit le considéra comme une exhortation à la réserve et à la modestie. Elle détesta la chair, objet des anathèmes ecclésiastiques. Elle en eut honte. Elle la cacha. Son image dans la glace la gênait. Partageant la chambre de sa sœur, elle ne se couchait que la lumière soufflée. Jamais l’autre ne vit ses bras nus.

Ni la réflexion ni l’âge n’atténuèrent cet excès de pudibonderie. Volontiers, dehors, elle se fut masqué la figure de tissus épais. Elle ne quittait point sa voilette. Des gants couvraient ses mains. Un regard jeté sur elle par quelque promeneur indiffèrent l’emplissait de confusion, la révoltait comme une souillure. Son but constant était de s’effacer, de n’attirer