Bergevin s’éloigna, son paquet sous le bras, et s’en alla vers la grange où il couchait depuis plusieurs semaines. Assis sur une botte de paille, il coupa la ficelle, et, avide de savoir, curieux comme on peut l’être en face d’un trésor, il déplia la serviette.
Tout de suite il se sentit étrangement troublé. Il y avait là, sous ses yeux, un gilet de laine grise entouré d’une tresse et muni de poches à boutons, qui ressemblait au gilet qu’il avait porté l’hiver précédent. Une paire de gants aussi le frappa, des gants de tricot marron à bandes jaunes. Et ce cache-nez gros bleu ? et ces bonnes chaussettes bien épaisses ? et cette-flanelle rouge décolorée par les lavages ? Mais oui, mais oui, aucun doute. Il retrouvait la forme, et la couleur, et la matière même de tout cela. C’étaient de vieilles affaires à lui, de ces choses que l’on remise l’été, dans le camphre et dans le poivre. Mon Dieu ! par quel miracle ?…
Mais un cri lui échappa ! En dépliant le gilet de laine, il aperçut une lettre épinglée à l’étoffe et qui dépassait de l’une des poches. Et sur cette lettre il y avait des mots, des mots dont il eût reconnu l’écriture entre mille, des mots écrits de la main même de sa mère.
« Pour le soldat qui recevra ces quelques vêtements. »
Bergevin frissonna d’émotion, comprenant tout à coup ; c’était sa mère qui avait confectionné ce paquet et l’avait remis à une œuvre militaire. Avec une hâte fiévreuse il décacheta la lettre, et il lut :