Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/86

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» Mais, il y a autre chose, Henriette, il y a autre chose que toutes les petites querelles d’amoureux, que les désaccords des époux, et que les sympathies ou les antipathies de l’instinct. Il y a un devoir qui domine tout, qui est sans doute l’unique devoir, un devoir qui naît avec nous et qui nous oblige par le seul fait que nous existons. C’est le devoir de transmettre cette existence que nous avons reçue, et que nous n’avons reçue que comme un dépôt, pour la transmettre à notre tour.

» Je m’en suis rendu compte durant cette guerre effroyable, lorsque tant de jeunes hommes tombaient autour de moi. C’était tout le sang de la France qui s’épanchait, sa meilleure richesse à laquelle, par égoïsme et par vilain calcul, nous n’avions pas contribué. Et j’ai compris la faute que nous avions commise. C’est la grande faute, Henriette, le crime impardonnable. Si toutes les femmes de France avaient obéi aux lois de la nature, depuis longtemps déjà la guerre serait terminée. On peut même dire que la guerre n’aurait pas été déclarée. C’est la natalité décroissante du peuple vaincu qui, au cours de ces quarante années, a rompu l’équilibre en faveur du peuple vainqueur. Pas assez de fils, c’est-à-dire, hier, moins d’hommes qui travaillaient ; aujourd’hui, moins qui se battent.