Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/8

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» Alors, je vais de l’avant. Non, ce que ça ronflait ! Bref, au bout d’une heure, je vois le général, un brave homme, qui me remercie et me serre la main. Et puis, je rapplique… toujours sous les balles. « Qu’est-ce qu’il a pu devenir, le camarade ? » que je me disais. Eh bien ! il était toujours là, le bougre, derrière un arbre. Moi, je l’aurais très bien rapporté sur mon dos, malgré ma blessure qui commençait à me taquiner, mais pour sûr qu’il ne serait pas arrivé, à moins d’une chance de tous les diables. Pense donc, la mitraille !… « Il faut que tu repartes, Duroseau, qu’il me dit… la réponse au colonel… » C’était vrai… Ah ! le bougre, il ne perdait pas le nord ! Alors, j’ai piqué une tête dans la grêle. Et je me disais : « Si je tombe, le pauvre type est foutu. » Mais j’ai eu de la veine. Pas un pruneau. Le colonel m’a aussi serré la main. Deux heures. après, le soir, j’ai ramené notre Armandel, évanoui, perdant tout son sang. Il aura la médaille, et, vrai, il ne l’a pas volée, le bougre !

» Ah ! on en voit de riches gars, à cette guerre, mais je t’en raconterais comme ça jusqu’à demain. Au revoir, ma bonne Catherine, je t’embrasse de tout cœur. »

Bertol prit le journal et garda le silence, envahi d’une émotion qui lui étreignait la gorge.

À la fin, il balbutia :

— Alors, Duroseau ?

— Alors, pourquoi qu’on s’est fichu de moi en publiant cette lettre ?

Bertol bondit :

— Hein ? Qu’est-ce que tu me chantes ? On s’est fichu de toi !… Où as-tu vu qu’on s’est fichu de toi ?

— Mais, dame ! Pourquoi qu’ils la publient, c’te lettre ? C’est-il pas rapport à