Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/47

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C’était une insolence de plus. Nelly-Rose haussa les épaules.

— Je l’ai gardé par hasard !… par distraction !… Je n’admets pas que vous l’emportiez !…

— Je vous en prie, dit Gérard, laissez-le moi.

Elle tapa du pied, dépitée de voir sa volonté s’effritait déjà, vaincue par cet homme singulier.

— À aucun prix, cria-t-elle ! Jetez cela !… je vous défends de l’emporter !…

— Soyez bonne, supplia encore Gérard. Que vous importe cette pauvre branche de fleurs ? Moi, je la conserverai en souvenir de la valse que nous avons dansée tous les deux… Je vous en prie…

Il avait répété ces mots avec la même douceur. Une douceur où se mêlait une domination insidieuse, qui émanait aussi de ses yeux, fixés sur les yeux de Nelly-Rose.

Nelly-Rose ne protesta plus. Sa colère était tombée. Elle se sentait envahie par un étrange alanguissement qui n’était pas sans charme, par une force qui pesait sur elle et contre laquelle elle ne se défendait pas.

Gérard recula vers la porte, ne détournant son regard de Nelly-Rose qu’au moment où il sortit.

Place du Trocadéro, Gérard héla un taxi et donna l’adresse de la pension russe d’Auteuil.

Enfoncé dans un coin de la voiture, il alluma une cigarette et eut un petit sourire aigu. Il était heureux. Il était en pleine action, en pleine aventure amoureuse, lui pour qui l’aventure était la joie de vivre, et cette aventure-là ne ressemblait à aucune autre. Aucune femme ne lui avait jamais causé une impres-