Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/50

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— Quel conquérant tu fais ! Ah ! C’est beau d’être jeune ! Moi, je suis fatigué. Je ne sortirai pas. Tu dînes avec moi ? Je ferai servir ici.

— Si tu veux.

Baratof sonna. Et, quelques minutes après, les deux hommes s’asseyaient devant une table dressée par le maître d’hôtel de l’étage et élégamment servie.

À huit heures et demie, on en était au café et aux liqueurs, Baratof s’étira avec un soupir de satisfaction béate.

— Ah ! C’est agréable de bien dîner, de fumer un bon cigare et de se reposer. Rien de tel dans la vie.

— Alors, voyons, Baratof, dit Gérard en se levant, tu ne veux vraiment pas t’habiller et sortir avec moi ? Je t’aurais présenté à mes amis…

— Non, ce soir, je ne bouge pas…

— Tu ménages tes forces, dit Gérard, railleur. Tu veux êtes frais pour la visite de la jeune personne des laboratoires, demain matin…

— Peut-être. Je te répète, mon petit, que je n’ai plus ta belle jeunesse…

Une ironie sourde se mêlait à la gaîté de Baratof. Gérard la perçut. Il fixa les yeux sur le Russe, qui lui opposa un regard placide et narquois. Quelles étaient ses intentions ? Qu’allait-il entreprendre à l’égard de Nelly-Rose ? Que se permettrait-il si, le lendemain, la jeune fille venait au Nouveau-Palace ?

Mais Gérard avait jusqu’au lendemain pour prévenir Nelly-Rose. Il allait tenter de la rencontrer au théâtre ou bien à ce bal, si elle se décidait à s’y rendre. Coûte que coûte, il lui parlerait, l’avertirait, et, par tous les moyens, la protégerait.