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les époux dumouchel

phrase, ils n’en pouvaient imaginer d’autres. Une modification leur paraissait impossible. Ce ne fut plus des êtres libres, voulant, se conduisant selon leur fantaisie, tentant de réaliser leurs rêves, mais des automates merveilleusement articulés. Ils semblaient obéir à un mécanisme, ingénieux, remonté chaque jour, et qui, à telle heure, à telle minute, les forçait à accomplir tel acte, à ruminer telle idée, à prononcer telle parole.

À la longue, les particularités de tempérament ou de caractère qui les différenciaient s’affaiblirent, des habitudes semblables, contractées et développées en commun, les pétrirent, les façonnèrent, les harmonisèrent au moral et au physique. L’un devint moins sanguin, l’autre moins nerveux. François maigrit. Berthe grossit. Le son de leurs voix se rapprocha. Ils marchaient de même façon.

Ils ne connurent ni grandes joies ni grandes douleurs. Cependant le manque d’enfant leur causait une sorte de regret. Du moins s’en plaignaient-ils souvent :

— Qu’il nous vienne un mioche, disait François, et nous serons tout à fait heureux.

D’une piété extérieure très démonstrative, ils