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les époux dumouchel

— J’ai quelque chose à t’annoncer.

Ce ton le surprit. Il s’accouda sur les draps.

— Qu’est-ce que tu as, chère amie ?

Elle rougit et balbutia :

— C’est que… je ne suis pas sûre.

— Sûre de quoi ?

— Que… que… j’en aie… un… mais…

Elle s’arrêta. À son âge, cet aveu lui coûtait comme à une fille de seize ans qui aurait fauté. Il s’impatienta, ne devinant pas. Alors elle dit à voix basse :

— Je crois que… je suis enceinte.

Cela le stupéfia. Il n’éprouvait ni plaisir ni chagrin, rien qu’un immense étonnement. Des idées bourdonnaient en son cerveau sans qu’il réussît à en saisir une seule. L’avenir lui semblait bouleversé, et il eut cette inquiétude vague qui vous envahit, dès que survient un événement inattendu dont on ne peut calculer les conséquences ni envisager nettement les bons et les mauvais côtés.

Ses lèvres murmurèrent : « Quel bonheur ! » De suite ces mots lui imposèrent l’opinion qu’ils exprimaient, et il ressentit une grande joie et un grand orgueil.