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les époux dumouchel

de sourire, de bavarder, de plaisanter, comme si d’affreuses angoisses ne l’eussent pas mis à la torture.

Toute sa vie, il se souvint de cette fin d’après-midi, de cette accumulation de factures dont le poids ralentissait sa marche.

Au dîner, l’on ne prononça pas une parole. La bonne desservit, s’en alla. Alors Berthe dit résolument :

— Ce n’est pas tout cela, il faut en finir, prends un crayon.

Elle dicta : « Le médecin… tant, le pharmacien, la sage-femme, les lettres de faire-part, le boucher, l’épicier… tant. Additionne. »

Au bout d’une minute, il soupira : « Huit cents vingt-trois francs. »

Berthe tressaillit :

— Tu es sûre de ne pas te tromper.

— Regarde.

Elle vérifia, le compte était exact.

— Comment faire ? gémit Dumouchel, nous n’avons plus le sou. Je ne touche mes rentes qu’en avril, et mes appointements ont juste payé le loyer, les gages de la nourrice, le jour de l’an, le bois qu’on est forcé d’allumer chez la petite,