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un amour

ses pieds presque ; des mots tendres bourdonnèrent en elle, des mots qu’il avait dits autrefois et qui chantaient à son oreille avec leur intonation particulière. Elle sentit sur son poignet, à cette place exacte, la brûlure de son premier baiser ; puis elle eut partout, sur la peau, l’impression d’autres caresses, sur ses lèvres l’odeur de ses moustaches, autour de sa taille la sensation de ses deux bras.

Mon Dieu, comme il l’adorait, comme il était bien à elle, elle en avait la certitude absolue, même aujourd’hui, trois mois après la rupture. Alors cette fuite, pourquoi ? Elle étudia toutes les causes qui pouvaient l’expliquer, elle tenta de ressusciter les heures déjà sonnées pour noter chez Jacques un symptôme de détachement. Mais comme tous ceux qui examinent leur existence écoulée, Marthe ne se rendait pas compte de la marche insensible du temps et des idées, du peu à peu de la vie. Sa mémoire s’accrochait çà et là à quelques souvenirs qui lui faisaient perdre le fil ininterrompu des jours, dont chacun avait apporté à Jacques sa petite part d’écœurement et de désillusion.

C’est ainsi que ses rêveries douloureuses abou-