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la fortune de m. fouque

geance. Sa longue course à travers les bois, le contre-coup des émotions ressenties, l’accablaient de fatigue, et sa fureur s’évanouissait peu à peu. Mais, par un mensonge instinctif vis-à-vis de lui-même, il affecta une tristesse infinie. Il s’exagéra son amour pour Julie et son amitié pour Ferrand, il se persuada qu’il les adorait jadis et qu’ils vivaient ensemble tous trois, sans jamais se quitter. Alors, pleurant ses illusions, il dit à haute voix :

— Encore un rêve qui s’écroule.

La douleur le terrassait. Il entrevit un avenir solitaire, où il demeurerait dans son coin à écouter les autres, une vieillesse froide, sans gloire, sans popularité, sans famille. Cette existence l’effraya, et il eut pitié de lui-même. Décidément la destinée s’acharnait après lui.

Jusqu’à la fin du jour, il erra comme un vagabond, les membres rompus, le cœur lâche. Puis soudain cet isolement lui pesa, et il retourna à petits pas, les jambes pliées, le dos voûté, la tête basse. Sa canne, qui traînait à terre, le suivait d’un air vaincu. Il s’abandonnait, consentait à sa défaite, se ratatinait, rentrait sa poitrine, se faisait plus mince, plus chétif. Son. infortune le