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paroles. Et moi je me borne à l’imiter comme un singe. Il me conduit où cela lui plaît. Je copie son attitude. Je me modèle sur sa physionomie. Si elle est gaie, je suis gai, triste si elle est triste. Puis, à intervalles quelconques, je m’arrête, je reprends mon âme, je regarde le paysage qui m’environne, le chemin où j’ai marché. Enfin je m’empare de mon guide, je lui ouvre le crâne et j’examine les raisons pour lesquelles je suis arrivé par tel chemin, à tel endroit.

Et Marc vit ceci : le crime remontait à deux ans et pendant la dernière de ces deux années, il n’avait pas réellement pensé au crime. L’autre être l’avait trompé. Le simulacre de la souffrance avait produit de la souffrance, mais extérieurement, à fleur de peau. Tout cela était factice et volontaire. L’impayable comédie !

Il s’amusa patiemment à reconstituer l’histoire vraie de son aventure. Au début, elle se déroulait comme une grande route, droite et claire. Puis dès l’instant où s’y profilait la silhouette de Frédéric, elle obliquait et se jetait sous bois. Les sentiers s’entre-croisaient. On pataugeait dans la boue. La pluie tombait. Le soleil restait voilé. Mais le but était atteint.

Par quels stratagèmes ? Hélienne en nota quelques-uns. Jamais il n’avait douté que Frédéric fût l’amant d’Élisabeth ; il ne s’était décidé à le savoir qu’au retour de Fontainebleau, en un moment où il jugeait sa vie dépourvue de distractions suffisantes. Puis l’emportement de ses désirs, sa jalousie, sa lâcheté, quelles fourberies ! Toujours maître de ses sens, comment serait-il devenu leur esclave, si ce n’est par dessein ? Que lui importait de pos-