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des hanches et la courbe des jambes, et l’image ne s’effaça plus.

Le soir, elle hasarda quelques mots de reproche. Il l’interrompit :

— Non, Bertrande, je ne regrette pas ce que j’ai fait, et tout acte qui me révélera un peu de votre corps ou qui m’en rendra maître en partie, je l’accomplirai. Je vous veux, je n’ai pas d’autre rêve. Tout m’est indifférent, même votre colère, même votre froideur, pourvu que je vous possède.

Il l’entendit murmurer :

— Nous sommes perdus, nous sommes perdus.

Ils eurent encore des heures d’exaltation délicieuse. Ce ne furent que des trêves où ils n’obtenaient seulement pas l’illusion ni l’espoir de l’entente. Ils allaient vers deux buts opposés. Marc voulait, Bertrande refusait. La petite haine qui fermente au fond de tout amour et qui, à certaines minutes, charge les yeux de provocation, les secouait parfois comme deux ennemis accouplés dont l’un médite d’insidieuses attaques, et dont l’autre se méfie.

Hélienne songeait :

— Si c’était une de ces naïves comédies de jadis ! Hélas ! ce n’est pas de la douleur jouée, celle là, je ne l’ai pas appelée et elle ne me lâchera pas selon mon caprice, quand j’en serai excédé.

Il le fut bientôt. Le supplice devenait intolérable, supplice physique et moral. Le corps de Bertrande l’épuisait. Il le cherchait constamment et partout, dans les fantômes confus qu’il s’ingéniait à constituer, ou sous les vêtements amples dont la jeune fille s’affublait maintenant pour leurs rendez-vous. Il imaginait des scènes, des nuits, des réveils aux bras de Bertrande.