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Il la supplia.

— Soit, votre corps m’est défendu, mais que je le touche, que je l’embrasse… vous ne savez pas… mes mains souffrent de ne pas le toucher… et mes lèvres sont inquiètes… oui, j’y ai mal vraiment.

Elle gardait son visage impassible fermé comme une barrière entre l’émotion de Marc et la sienne propre. Il gémit :

— Eh bien non, ni mes mains ni mes lèvres, elles sont condamnées… mes yeux, voulez-vous ? qu’ils prennent en eux l’empreinte de votre forme et la blancheur de votre peau. Qu’ils vous possèdent une fois, une seule… et je ne demanderai plus rien…

Elle ne répondit pas. Elle ne répondait jamais. Cependant il n’aurait pu s’irriter de ce mutisme glacial, car il la sentait pleine de pitié et de pardon. Il avait remarqué l’effet de sa voix sur elle. Chaque son émis brisait un nerf. Il en usa. Parler ne lui coûtait pas depuis que le rythme du silence ne scandait plus les battements de leur cœur. Et il s’efforçait de la troubler par l’inflexion de son accent, par la chaleur des mots, par le souffle de son haleine, par le contact de son désir.

Quoique, extérieurement, dédaigneuse et raidie, elle s’amollissait, il en était sûr. Il le constatait à de petits signes, un frisson de sa paupière, une crispation de ses doigts. Elle aussi souhaitait l’assouvissement total de l’étreinte et se disait que c’eût été grisant de s’abandonner aux vœux de sa chair et de sa jeunesse.

Mais Hélienne ne s’aventurait même pas à lui frôler la main, dans la peur du refus inévitable. D’invisibles forces pré-