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l’invasion du dehors, se cuirasse contre les flèches et les balles, réduit le choc des événements inévitables, à celui-là le bonheur est facile. Hélienne l’avait conquis.

Les ténèbres de sa vie, les ténèbres de la vie humaine s’illuminaient de clartés violentes. Comme il voit ! comme il voit ! Le drapeau flotte. L’enceinte monte jusqu’au ciel. C’est le château du bonheur. Et dix années s’y sont écoulées.

Oh ! ces dix années, Marc les contemple avec épouvante. Hanté par la peur, il n’a rien fait que de se mettre en garde. Même tranquille, il est resté les yeux obstinément fixés sur le passé. Dix ans de mensonges ! Être contraint à se choisir comme dupe, se traiter ainsi qu’un adversaire que l’on bafoue. Ne plus savoir où l’on est ! Et quels subterfuges avilissants ! Son existence est une série de vilains complots. Il la détaille en petites fioles, en petites rations, en parts de pauvre. L’atmosphère qu’il respire est déprimante. Ses poumons se rétrécissent. Tout ce qu’il regarde, entend, touche, est mesquin, étriqué, pâle, débile. Son œuvre est souterraine. Il se creuse des chemins dans l’ombre et il y rampe.

Et c’est au fantôme dont il aperçoit au loin la silhouette courbée et les gestes de nain, qu’un jour Bertrande fût offerte. Elle vient comme un ange de salut, les mains pleines de grâce, de délivrance et d’air pur. Son sourire est doux. Au son de sa voix il pleure. Et le charme de son corps le trouble.

Elle se penche sur lui ainsi que sur