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chose lui est interdite que de chercher l’oubli, l’oubli éternellement.

Une nuit, soudain visibles, la grandeur et le symbole de son châtiment le terrassèrent. Il tomba à genoux et il clamait en se frappant la poitrine :

« J’ai fait œuvre de mort, et sur toute ma vie plane la mort. »

La mort planait, l’ensevelissant sous des linceuls de froid et d’immobilité. Il avait donné la mort et, depuis ce jour, la mort l’envahissait à son tour, peu à peu. Il la voyait, rongeuse et patiente, et tenace. Un à un, elle étouffe ses rêves d’art et d’ambition. Habilement elle lui cache son devoir d’homme, le but glorieux qu’il se proposait au sortir de l’adolescence. Il avait des dons de noblesse et d’enthousiasme, elle les flétrit. Il croyait en son intelligence, il espérait en le développement intégral de sa personnalité. Elle saccage tout, l’impitoyable vengeresse.

Certaines combinaisons adroites, jointes à d’heureux hasards et à un tempérament spécial, avaient pu le garantir des châtiments ordinaires et des remords légitimes, mais un mal inattendu lui était réservé : en même temps que son père, il avait tué son âme.

« J’ai fait œuvre de mort, et sur toute ma vie plane la mort. »