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Des mois passèrent. Marc Hélienne fut malheureux. Il n’ignorait pas que le temps affaiblirait sa peine et lui rendrait le bonheur. Mais ce bonheur, il le méprisait comme il se méprisait lui-même.

C’est une proie vulgaire et facile : cela se ramasse un peu partout, parmi la boue ou les ordures. C’est une herbe fort commune : on n’a qu’à se baisser pour la brouter. Il écrivit :

« Sauf quelques conditions fortuites de santé et d’aisance, nous avons tous entre les mains les matériaux nécessaires pour construire le château de notre bonheur. Et la chose est aisée, quoique minutieuse. Mais soyons attentifs à ce qu’il ne devienne pas notre prison. La vie n’est pas là. Elle est dehors, dans la lutte et dans la souffrance. Et si jamais elle nous réclame, courons à elle, quel que soit l’obstacle qui nous en sépare. »

Il rangea cette feuille de papier au fond d’un tiroir, ainsi qu’un testament moral. Ce fut la conclusion de son passé, le dernier regard lucide qu’il jeta derrière lui. L’avenir, non plus, ne le préoccupa plus. Il savait que tout espoir lui était interdit, il borna ses pensées au présent, et la minute actuelle contint assez d’intérêt pour alimenter son cerveau.