Page:Leblanc - L'œuvre de mort, paru dans le Supplément du 23 mars au 24 juin 1897.pdf/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une fête des yeux, fête discrète, destinée à s’élargir progressivement en apothéose.

Sur son ordre, elle apparut, un matin, le buste drapé d’un grand fichu de soie noire, nue là-dessous, mais sans qu’un éclair de peau brillât. Elle avait disposé, artiste à son insu, l’étoffe souple en plis symétriques qui ne brisaient pas les lignes et se modelaient aux courbes comme une onde tissée. Et il vit l’harmonie orgueilleuse de ses deux seins. Ils s’arrondissaient, blottis près de la chaleur du cœur, êtres vivants qu’anime la vie d’amour.

Marc accrocha ses doigts aux barreaux de la chaise, se défendant contre le flot de désir qui l’emportait. Son corps se raidit. Les traits durs, il s’irrita longtemps à considérer le gonflement de cette soie qu’il eût voulu mettre en lambeaux.

Immobile devant lui, Aniella souriait et rougissait, sourire d’impudeur et rougeur de honte. La conscience de sa beauté, muette jusqu’ici, commençait à lui révéler la magie de son pouvoir. Comme des flèches ardentes, elle dirigeait vers le maître les pointes dures de sa gorge et elle avançait à son insu.

— Va-t’en, cria-t-il, va-t’en.

Elle obéit.

La séance suivante marqua, selon le programme, un nouveau pas. La jeune fille dévoila ses bras et ses épaules, conservant une écharpe qui passait sous l’aisselle et coupait en ligne droite la poitrine et le dos.

Enfin, c’était de la chair. Marc en fut ébloui. C’était la matière idéale dont les yeux ne peuvent s’assouvir et que les mains voudraient pétrir sans relâche, de la chair palpable. Il en admira la