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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/108

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L’ENTHOUSIASME

besoins de dévouement… non, c’est une manière de voir, une conception de l’existence qui est fausse, je le reconnais, surtout en amour.

« Ma vie est ici, me disais-je, le véritable bonheur est auprès d’elle. »

Pour la première fois, j’avais la sensation précise de ce que c’est que l’effort d’une âme vers la conscience et la dignité. De telles notions restent obscures, lors même que l’esprit consent à les admettre, et s’éclairent seulement à la lueur d’un acte. Si nous ne pouvons prétendre à quelque valeur morale que du jour où nous avons entrevu la nécessité de cet effort, et où palpite en nous, même vague, le désir de le réaliser, c’est là que commence ma vie morale. Combien l’aide de cette femme m’eût facilité une tâche que rendaient si ingrate l’inexpérience de ma jeunesse et la vulgarité de la foule qui m’entourait !

Tout au fond de moi s’agita ce sentiment confus. Mais, levant les yeux sur Armande, je fus gêné. Cette physionomie trop mâle, sans délicatesse ni séduction, me décevait, comme un masque qui n’était pas en rapport avec la peine que je lui supposais et l’incertitude actuelle de son destin. Je lui en voulus de sa tranquillité.

— Si vous m’aviez aimé, vous n’auriez pas été si indulgente, seulement je ne crois pas que vous puissiez aimer ni que vous puissiez croire à l’amour… du moins vous avez tout fait pour me donner cette opinion de vous.