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L’ENTHOUSIASME

ment j’agissais déjà sans aucun doute. Si, dans les disputes précédentes, la véhémence de mes opinions s’atténuait d’un peu d’ironie facilement perceptible, cette fois au contraire je les aggravai par un accent de révolte et de rancune qui leur donnait une importance d’actes véritables. Ce n’étaient plus des théories, mais des récriminations contre un état le choses dont je m’avouais la victime et dont on eût dit, à mon emportement, que j’accusais mes auditeurs.

Toute la soirée on batailla. Je me retirai fort mécontent de moi.

Le lendemain Geneviève me sourit timidement. Je n’eus plus de colère, plus de souvenirs mauvais,

— Vous n’avez pas osé ?

— Non… j’ai fait ce que j’ai pu, je me suis trainée là-bas comme une morte, et puis, en approchant, j’ai deviné que je n’entrerais pas… et j’ai passé tout droit…

Je lui dis :

— Venez chez mère, elle s’étonne que vous ne veniez plus et sera enchantée ; moi, je trouverai le moyen de vous voir sans qu’on s’en doute… je vous en prie…

Je rentrai et feignis de sortir. Mme Darzas vint, Une heure après, comme elle descendait l’escalier, je l’emmenai dans la salle et l’attirai violemment sur ma poitrine. Nos lèvres se joignirent. Elle gémit :

— Tu ne m’as jamais embrassée comme cela.