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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/127

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L’ENTHOUSIASME

— Je ne savais pas… Oh ! si j’avais su, à Bellefeuille, tu aurais été ma maîtresse.

— Tais-toi, tais-toi, embrasse-moi.

Un bruit nous sépara brusquement. La porte, qui n’était que poussée, s’ouvrit. C’était mère. Je tenais déjà un livre dont j’affectais de montrer à Geneviève certains passages. Mais elle dut s’asseoir, bouleversée. Mère joua la surprise.

— Vous êtes encore là ? je vous supposais partie.

Geneviève bégaya quelques syllabes. Je m’empressai de répondre :

Mme Darzas s’en allait comme j’arrivais, je l’ai retenue un moment, il y a si longtemps que je ne l’avais vue !

— Si longtemps ? comme c’est drôle ! on vous a aperçus hier, causant sur le boulevard.

Je fus déconcerté. Un long silence accrut notre gène. Mme Darzas le rompit par des propos hâtifs et décousus, auxquels mère répliquait avec la même volubilité distraite. On se dit adieu du bout des doigts et des lèvres. Mais soudain mère s’inclina vers la jeune femme et l’embrassa. Elles se tinrent affectueusement unies.

— Geneviève, laissez-moi vous gronder, vous êtes une enfant, et vous ne voyez pas le mal. Oh ! je n’ai pas peur, je suis sûre de vous… Seulement les gens ne vous connaissent pas, eux, et il y en a de si méchants ! Tout cela est bien grave ! Croyez-en votre vieille amie, et ne lui en veuillez pas de son avertissement…