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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/129

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L’ENTHOUSIASME

daliser tout le monde comme tu l’as fait hier, au Cercle, avec tes utopies ?

— Ah ! on t’a dit, insinuai-je d’un ton railleur.

— Oui, on m’a dit et on m’a dit aussi, car, hélas ! on cause beaucoup trop de toi, on m’a dit que tu ne te gênais pas pour mettre en pratique tes théories démoralisantes, et que ton meilleur ami était ce professeur dont la femme est ta maîtresse.

— Il y a beau temps que cette dame n’est plus ici. Quant à son mari, c’est un homme d’une haute intelligence et auprès de qui je m’instruis beaucoup.

— Pourquoi te montres-tu en sa compagnie ? Il serait si facile d’aller chez lui !

— Faut-il donc se cacher d’un acte qui n’est pas mal ? Si ma conscience m’ordonne de le voir, dois-je m’en dispenser ? De même on me reproche certaines idées… mais si ce sont les miennes, dois-je les taire quand on m’interroge ? Ne dois-je pas essayer de les propager puisque je les juge vraies ?

— Et si elles ne le sont pas ? Si ta conscience a tort ?

— Comment le savoir ? Ma seule certitude est en moi. Il faut choisir : faire ce que l’on croit devoir faire, ou faire ce que les autres croient que vous devez faire dans une circonstance dont ils ignorent nécessairement tous les détails.

Impatientée, elle s’écria :

— Eh ! qu’importe ce que tu penses ou ce que tu fais ! est-ce la peine de prendre toute la ville à