dans de telles balivernes ? je ne puis pourtant pas condamner les gens au silence !
— Tu peux ne pas les obliger à parler de toi.
— Alors il faut que je supprime mon cœur, que je sacrifie ma jeunesse ?
— Tu préfères me sacrifier.
— Il n’y a pas de comparaison à établir, mère, tu me demandes ma vie, oui, cet amour est ma vie, et je ne retrouverai jamais rien d’aussi beau… moi, je te demande simplement le sacrifice de quelques préjugés.
— Et si c’est devenu ma vie, à moi aussi ! s’écria-t-elle en me prenant les mains, si ce que tu appelles mes préjugés sont une partie même de mon être, pourquoi me sacrifier ? Mon bonheur vaut le tien, je pense. Qu’importe de quoi il est fait : tu n’es pas juge en la question.
Je me tus longtemps, puis murmurai :
— Tu ne peux donc pas mépriser l’opinion des autres ?
— Il me serait impossible de vivre sans leur estime.
— Mais tu l’as, cette estime, tu l’auras toujours.
— Oh ! Pascal, dit-elle, crois-tu que je puisse être heureuse si tu ne l’as pas, toi aussi ?
Je fus déchiré. Aucun reproche ne m’avait ému autant que cette phrase d’affection mélancolique. Comme j’eusse voulu lui crier : « Eh bien, oui, mère, je m’en vais. » Elle dut le sentir, car elle me dit avec une grande bonté :