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L’ENTHOUSIASME

On eût dit que nous ne vivions que du consentement des autres, et que nos actes pesaient selon le poids qu’on leur accordait. Tu te souviens de ton attente peureuse, le samedi, jour où l’on proclamait le résultat des compositions hebdomadaires ? Ton humeur dépendait de la place obtenue, et tu en avais pour une semaine à te prodiguer en visites, souriante et allègre, ou à t’enfermer, inactive et soucieuse. Comme reproche, cette phrase :

— Que va-t-on dire de toi, si tu ne travailles pas ?

Comme éloge, celle-ci :

— Ce que l’on va me faire des compliments sur toi !

Je redoublais de zèle afin de mériter les suffrages de tant de personnes attentives à mes progrès. Grand Dieu, que disait-on de moi ? J’eus d’humbles dimanches où le courroux des passants me bouleversait, d’autres où je les contemplais victorieusement du haut de ma place de premier en version grecque.

Comme on dut se réjouir à Saint-Jore l’année de ma première communion ! Le jeune Pascal manifestait les symptômes d’une piété touchante, et parvenait, malgré de vives répugnances, à s’assimiler les niaiseries du catéchisme. Je n’oublierai jamais l’aumônier du collège, l’abbé Chenu, un homme charmant, dont les mères ne pouvaient prononcer le nom sans une voix attendrie. Les circonstances d’ailleurs ayant changé deux fois le titulaire de ce