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L’ENTHOUSIASME

il rien au monde de plus assuré que la tendresse de ma mère, de plus stable que ses vieilles croyances, et n’était-ce point dans ses bras qu’il fallait chercher un refuge à mes agitations ? J’allai m’y blottir. Ils se refermèrent sur moi, toujours accueillants.

— Qu’est-ce que tu as, Pascal, me dit-elle à la fin ?

Et, comme je me taisais, elle répéta sa question. Mais le silence n’était-il pas la condition indispensable de notre entente ? Le charme de l’intimité se rompait déjà. Nos pensées, nos bras se désunirent.

Je me levai. Je pris un livre et le rejetai. Un album me tenta, car j’y savais trouver la photographie de Geneviève. Je l’ouvris à la page habituelle. Le portrait n’y était plus.

J’éclatai de rire. La suave vision de famille, la lampe de bronze, le guéridon d’acajou, la petite chaise basse, tout cela s’évanouit. Quel accord espérer entre ma mère et moi, lorsqu’un tel abîme séparait nos idées ?

Pour me soustraire à l’explication imminente, je quittai le salon. À ce moment Claire arrivait du dehors, vêtue de la mante qu’elle portait l’autre soir dans le parc.

— D’où viens-tu ?

Moi-même, l’accent agressif de ma voix m’offusqua, et j’eus honte de l’avoir interrogée à propos d’un fait que je connaissais. On ne doit jamais