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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/19

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L’ENTHOUSIASME

ments péremptoires. Il tranchait les questions les plus ardues à l’aide du bon sens le plus impitoyable. Nul proverbe ne lui était inconnu, nulle maxime étrangère.

Comment eussions-nous mis en doute les dires d’un personnage aussi considérable ? Sa fille tremblait devant lui, Philippe Darzas et sa femme le redoutaient, Mme Landol n’osait le contrecarrer, et tous, autour de la table, le front baissé, nous recevions la petite pluie monotone des préceptes, des sentences morales, des conseils pratiques, des exemples tirés de l’expérience. Directement et par l’action qu’il exerçait sur mère, il fut notre éducateur. Grâce à lui, nous fûmes des enfants bien élevés, ce qui ne signifie point des enfants en qui l’on a développé l’énergie, la volonté, la clairvoyance, l’esprit d’examen, les qualités d’initiative, mais des enfants qui savent se tenir, qui ne se permettent que les gestes accoutumés, et qui ont déjà l’intuition de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas. Grâce à lui, la notion du devoir nous apparut dans toute son horreur. Nous n’entendîmes jamais un mot de révolte, ou même un de ces soupirs d’ennui qui échappent aux plus résignés en présence de quelque tâche fastidieuse. On nous apprit les égards que l’on doit à l’opinion et les rigueurs réservées à ceux qui la bravent, l’importance des cartes du premier janvier, des visites et des politesses à rendre, des jeûnes à observer, des pèlerinages à jour fixe au cimetière, tous devoirs