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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/209

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L’ENTHOUSIASME

moi, ta mère. Tiens, Geneviève, tu veux la voir, n’est-ce pas, tu le veux à tout prix ? eh bien… eh bien…

Ses doigts martelaient mes épaules. De toute son âme rigide, avec un effort qui lui crispait la figure, elle essayait en vain de se taire. Et elle dit, à voix basse :

— Demain à cinq heures, chez Berthe… elle y sera… je le sais… une réunion de dames pour une œuvre…

Elle se cacha le visage d’un geste de dégoût. Je murmurai :

— Tu es une mère admirable… je te jure de ne plus rien demander à ma sœur.

Ses yeux redevinrent doux. Cependant elle restait confuse, comme dépouillée d’orgueil. Se disait-elle, l’inflexible bourgeoise, que la vie vous fléchit à des accommodements imprévus et que, si la passion m’inspirait des actes qui me déplaisaient à moi-même, sa vertu, la réputation de Claire, la crainte du monde, pouvaient aussi lui en imposer que sa conscience blâmerait ?

Je ne la quittai pas le lendemain, résolu à ne point profiter de ses paroles involontaires et désireux qu’elle le sût. Cette bonne décision la renseigna d’autant mieux sur l’emploi de mon temps, car, à cinq heures moins dix, exactement, je mettais mon chapeau et m’échappais en toute hâte.

L’hôtel des Landol, une vaste construction qui datait de Louis-Philippe, m’était connu jusqu’en