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L’ENTHOUSIASME

soudain, une clef… une grosse clef couverte de rouille, et tout de suite, je me rappelai : quinze jours auparavant, lors de notre dernière entrevue et de la promesse de Geneviève, sortant du dépôt par les magasins de réserve, j’avais emporté cette clef.

Me targuer à ce sujet d’un débat intérieur, si court fût-il, serait un mensonge, car je n’hésitai pas un instant : je pris mon chapeau, chaussai des proue de feutre et descendis.

Quels étaient mon plan et mon but ? Avais-je l’espoir de rejoindre Geneviève ? Avais-je l’intention d’exiger qu’elle me suivit, ou simplement le besoin irrésistible de la voir ? Je ne le savais pas, et je ne le sais pas, mais je me rappelle avoir ri, dans ma course, en pensant aux obstacles qui chercheraient à m’arrêter. Comme je les renverserais !

Un seul était à craindre : que les employés ne se fussent avisés de la disparition de cette clef et n’eussent remis les verrous. Mais la chance me favorisa. J’entrai.

Lentement, afin que nul choc ne trahît ma présence, sans oser me servir d’allumettes, tâtant les ballots de marchandises, me cognant à des colonnes de fer, je réussis, après bien des pas inutiles, à traverser les magasins. Deux portes me séparaient du vestibule, celles qui fermaient le bureau de Philippe d’un côté et de l’autre. Que de temps il me fallut pour les ouvrir et pour éviter le grincement des gonds ! Et que de temps aussi, et que de précautions, pour chacune des vingt-deux marches