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L’ENTHOUSIASME

C’est vrai, quels motifs ? Je fus sur le point de lui demander si elle ne l’était pas aussi. Mais elle enleva mon assiette, chercha des fruits et prit une pêche dont elle m’offrit la moitié. Puis, m’ayant versé à boire, elle me dit :

— Je suis descendue pour vous avertir que votre mère dormait, il faudra faire attention en montant.

Bien que nous ayons beaucoup parlé, je ne me rappelle pas la moindre de nos paroles. J’affirme seulement qu’elle avait un peignoir blanc, que ses cheveux étaient mal noués, que la fin de notre entretien fut gâtée par une inexplicable gène, et que nous ne savions plus comment nous quitter. Puis je suis à la porte de sa chambre, sa main dans la mienne, puis, seul, accoudé au balcon de ma fenêtre jusqu’au moment où l’aube vague fait surgir de l’ombre la brume des prairies.

Mère avait raison, sept ans auparavant, de prôner les qualités de sa jeune amie à l’associé de son père. D’humeur égale, de goûts simples, la nouvelle mariée se ploya vite, malgré des habitudes contraires, à l’existence morne de la campagne, et Philippe appréciait, outre l’épouse prévenante, la ménagère active et la femme aux idées saines… Mais voilà que j’emploie à son propos les termes exacts qui servaient à dénombrer ses mérites. Pour la juger par moi-même, il me faudrait retrouver la Geneviève de cette époque derrière l’image définitive de la vraie Geneviève, et peut-être reconsti-