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Page:Leblanc - L'Enthousiasme, 1901.djvu/36

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L’ENTHOUSIASME

masse obscure de ses forêts et l’immensité lumineuse de ses plaines. Chacune de ces vieilles excursions de mon enfance me transportait dans un monde nouveau et parmi des spectacles inconnus. Assis en face de Mme Darzas, je lui montrais des arbres, des fleurs, des rayons de soleil, comme des choses très spéciales que nous n’avions jamais vues, ni elle ni moi, et que nous risquions de ne jamais revoir. Et il ne fallait pas qu’elle les regardât distraitement. J’insistais, je lui mettais les yeux sur un buisson de roses, je lui tournais la tête vers l’horizon en flammes. Mon enthousiasme était douloureux, tant que je ne le sentais pas résonner en elle.

Le soir on se groupait dehors, autour de la pipe et des discours de M. Hamelin dont l’éloquence ne connaissait plus de bornes quand il fumait. La cérémonie terminée, mère renvoyait sa fille et proposait un besigue à grand-père. Nous restions seuls. J’étais navré. La conversation se réduisait à quelques phrases que j’avais l’air de m’arracher, et entre lesquelles je reprenais haleine comme entre deux efforts surhumains. Geneviève répliquait aussi péniblement. On aurait dit que nous nous lancions à tour de rôle un poids très lourd dont nous redoutions la chute comme un déshonneur. Quel soulagement à l’heure du coucher !

« Elle doit avoir une médiocre opinion de moi, pensais-je. » D’avance je combinais des sujets d’entretien capables d’en inspirer une meilleure, mais