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L’ENTHOUSIASME

Mais le soir Geneviève me rendait mon livre et le lys s’y trouvait.

Jamais je ne chéris ma mère d’une façon plus démonstrative. Elle en était tout heureuse et me désignait à Mme Darzas d’un air qui signifiait :

— Hein ! est-il gentil ! quel bon cœur !

Je m’échappais en élans de joie d’une telle extravagance que Geneviève en riait aux larmes. Et elle disait :

— Cela me fait du bien de rire… il y a si longtemps ! Ah ! Philippe n’est pas rieur, lui.

Ces paroles prononcées fort simplement ne masquaient-elles point des gouffres de tristesse ? Ma pitié s’y trompait, et je me fusse livré aux singeries les plus absurdes, à des grimaces, à des contorsions, pour exciter son rire. C’était facile : un mot suffisait.

Hélas ! notre entente ne se traduisait par nul surcroît d’intimité, car je n’avais rien à lui dire et elle ne me disait rien non plus. J’en arrivais à présumer, tellement les mots que nous risquions, tombaient à faux, qu’il ne nous serait jamais permis de causer paisiblement. Elle était si loin de moi ! L’étoffe de sa robe, les revers de son corsage, les plis de sa jupe, autant d’objets à quoi ma main n’aurait su atteindre, alors même que j’eusse résolu d’y toucher.

Au cours d’une promenade à pied en compagnie de Claire, nous nous assîmes sur le bord de la route, près d’une mare qui reflétait les ruines