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L’ENTHOUSIASME

ment et tendrement il la serra contre lui, et, se reculant, il dit :

— Comme tu as embelli, Geneviève, c’est à ne pas croire.

Et il l’embrassa de nouveau, tandis que mère les contemplait avec satisfaction. Dans un coin, écrasé, je sanglotais.

Deux visions persistent de cette soirée. Je suis derrière les rideaux qui ferment la baie entre le salon et la salle où mange Philippe Darzas, et je compte les regards affectueux qu’il adresse à sa femme. Il est gai. Il l’admire. Il a des gestes et des accents de maître. De la haine, des idées mauvaises, fermentent en moi. Et puis c’est au premier étage, dans un renfoncement obscur. Voici mère, accompagnée de M. Hamelin et de Philippe. Ils s’arrêtent après un tournant du couloir et causent tous trois. Geneviève passe, et, comme un fou, je sors de l’ombre et lui saisis le bras.

— Geneviève… non, n’est-ce pas ?

Alors, brusquement, elle m’attire à elle, me baise au front, et murmure :

— Je vous promets, Pascal.

Et puis j’ai couru jusqu’à ma chambre avec la hâte de me délivrer d’un fardeau trop lourd, et je me suis jeté sur mon lit en disant :

— Je l’aime ! mais je l’aime !

En vérité je ne m’en doutais nullement. Celui qui n’a pas aimé ignore les signes de l’amour et le subit avec un cerveau confus et des yeux