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L’ENTHOUSIASME

pour acheter les livres nécessaires, elle confectionnait ses robes elle-même. On n’en savait pas davantage.

Le lendemain, mon volume en poche, je me dirigeai vers le domicile du professeur.

Là dernière maison à gauche, au bord de l’Orne, est une petite bâtisse délabrée dont l’unique étage est en encorbellement sur la rivière. Mme Berthier m’ouvrit la porte elle-même. Je ne voulais pas entrer, mais elle insista et je dus la suivre dans une pièce, encombrée de livres, où un balcon de bois vermoulu se penchait à quelques mètres au-dessus de l’eau, et d’où l’on apercevait par une fenêtre latérale l’immensité des prairies qui entourent la ville.

— Ma chambre, dit-elle,

J’avisai le lit en effet et je rougis. Elle ajouta :

— Excusez-moi de vous y recevoir, nous sommes très à l’étroit, mon mari se sert du salon comme de chambre et de laboratoire.

Je ne puis m’expliquer l’aisance avec laquelle je m’assis et causai que par l’extrême naturel de cette femme, en face de qui toute contrainte eût été ridicule. Ma timidité fut à ce point vaincue qu’il ne me coûta aucun effort et aucune goutte de sueur pour m’écrier au bout de quelques minutes :

— C’est incroyable ! vous ne me gênez pas du tout… je vous connais donc depuis dix ans ?

Notre sympathie s’exaltait sous nos yeux, comme