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L’ENTHOUSIASME

compte bien que vous viendrez souvent, c’est me rendre service que de m’arracher à la solitude.

Je vins pendant les cours de M. Berthier, et elle s’interrompait aussitôt de lire ou d’écrire. Je n’eus point de cesse avant de lui avoir raconté mon passé, dont, évidemment, les misères et les félicités prirent une fière allure. Elle se tut sur le sien. Avait-elle aimé ?

Je revins aussi le soir. Elle me disait :

— Pas de bruit, mon mari travaille, et il faut qu’il travaille double, puisque je ne fais plus rien, moi.

Nous nous entretenions à voix basse, nos deux têtes réunies sous la lumière de la lampe. Pour peu que la jeune femme s’inclinât davantage, le haut de son peignoir bâillait. Des heures intimes s’écoulèrent.

Une après-midi, comme Armande me lisait une brochure de son mari, je lui avouai mon amour avec un emportement douloureux, avec du désespoir, et de la confiance, et des prières, et des promesses de respect, avec toute mon âme et toute ma chair.

Elle me laissa finir et, frôlant mes cheveux, elle me dit, d’une voix pensive :

— Comme vous êtes drôle ! comme vous parlez sincèrement ! pourtant vous ne m’aimez pas.

— Je ne vous aime pas ! mettez-moi à l’épreuve… je ne vous demande rien que de me croire… je n’espère rien… j’attendrai…