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L’ÉCLAT D’OBUS

Les deux sacs de voyage à la main, Paul, qui n’avait pas trouvé d’employé, demeurait sur le trottoir, lorsqu’un homme guêtré de cuir, habillé d’une culotte de velours gros vert et d’un veston de chasse à boutons de corne, s’approcha de lui, et, ôtant sa casquette :

— Monsieur Paul Delroze, n’est-ce pas ? Je suis le garde du château…

Il avait une figure énergique et franche, à la peau durcie par le soleil et par le froid, des cheveux déjà gris, et cet air un peu rude qu’ont certains vieux serviteurs à qui leur place laisse une complète indépendance. Depuis dix-sept ans, il habitait et régissait pour le comte d’Andeville, père d’Élisabeth, le vaste domaine d’Ornequin, au-dessus de Corvigny.

— Ah ! c’est vous, Jérôme, s’écria Paul. Très bien. Je vois que vous avez reçu la lettre du comte d’Andeville. Nos domestiques sont arrivés ?

— Tous les trois de ce matin, monsieur, et ils nous ont aidés, ma femme et moi, à mettre un peu d’ordre dans le château pour recevoir monsieur et madame.

Il salua de nouveau Élisabeth qui lui dit :

— Vous me reconnaissez donc, Jérôme ? Il y a si longtemps que je ne suis venue !

— Mademoiselle Élisabeth avait quatre ans. Ç’a été un deuil pour ma femme et pour moi quand nous avons su que mademoiselle ne reviendrait pas au château… ni M. le comte, à cause de sa pauvre dame défunte. Et ainsi M. le comte ne fera pas un petit tour par ici cette année ?

— Non, Jérôme, je ne le crois pas. Malgré tant d’années écoulées, mon père a toujours beaucoup de chagrin.

Jérôme avait pris les sacs et les déposait