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L’ÉCLAT D’OBUS
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qu’elle chargeait de tuer Élisabeth. L’heure de la jeune femme avait sonné.

Karl s’inclina. La comtesse Hermine le présentait, puis, montrant la route et les deux points de la carte, elle lui expliqua ce qu’on attendait de lui.

Il tira sa montre et eut un mouvement comme pour promettre :

— Ce sera fait à telle heure.

Aussitôt, Élisabeth, sur une invitation de la comtesse, sortit.

Bien que Paul n’eût pas entendu un seul mot de ce qui s’était dit, cette scène rapide prenait pour lui le sens le plus clair et le plus terrifiant. La comtesse, usant de ses pouvoirs illimités, et profitant de ce que le prince Conrad dormait, proposait à Élisabeth un plan de fuite, sans doute en automobile et vers un point des régions voisines désigné d’avance. Élisabeth acceptait cette délivrance inespérée. Et la fuite aurait lieu sous la direction et sous la protection de Karl !

Le piège était si bien tendu et la jeune femme, affolée de souffrance, s’y précipita avec tant de bonne foi que les deux complices, restant seuls, se regardèrent en riant. En vérité, la besogne s’accomplissait trop facilement et il n’y avait point de mérite à réussir dans de pareilles conditions.

Il y eut alors entre eux, avant même toute explication, une courte mimique, deux gestes, pas plus, mais d’un cynisme infernal. Les yeux fixés sur la comtesse, l’espion Karl entr’ouvrit son dolman et tira à demi, hors de la gaine qui le retenait, un poignard. La comtesse fit un signe de désapprobation et tendit au mi-