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L’ÉCLAT D’OBUS

— Soit, mais encore une fois, la frontière est à vingt-quatre kilomètres. Une telle distance a donc dû laisser à nos troupes le temps de se reformer et de se préparer aux attaques que ce bombardement annonçait. On a eu pour le moins trois ou quatre heures devant soi.

— Pas un quart d’heure. Le bombardement n’était pas fini que l’assaut commença. Un assaut ? Non pas. Nos troupes, celles de Corvigny, comme celles qui accouraient des deux forts, nos troupes décimées et en déroute, étaient entourées d’ennemis, massacrées ou obligées de se rendre, avant même que l’on pût organiser un semblant de résistance. Cela se produisit subitement, sous la lumière aveuglante de projecteurs dressés on ne sait où et on ne sait comment. Et cela eut un dénouement immédiat. On peut dire qu’en dix minutes Corvigny fut investi, attaqué, pris et occupé par l’ennemi.

— Mais d’où venait-il ? D’où sortait-il ?

— On l’ignore.

— Et les patrouilles de nuit à la frontière ? Les postes de sentinelles ? La compagnie détachée au château d’Ornequin ?

— Rien. Aucune nouvelle. De ces trois cents hommes qui avaient pour mission de veiller et d’avertir, on n’a jamais entendu parler, tu entends, jamais. On peut reconstituer la garnison de Corvigny soit avec les soldats qui se sont échappés, soit avec les morts que les habitants ont identifiés et enterrés. Mais les trois cents chasseurs d’Ornequin ont disparu sans laisser l’ombre d’une trace. Ni fugitifs, ni blessés, ni cadavres. Rien.

— C’est incroyable. Tu as interrogé ?…

— Dix personnes hier soir, dix personnes