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L’ÉCLAT D’OBUS
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— Et Ornequin ? demanda Bernard.

— À Ornequin, nous avions une compagnie de chasseurs à pied dont les officiers habitaient le château. Jour et nuit cette compagnie, soutenue par un détachement de dragons, patrouillait le long de la frontière.

« En cas d’alerte, la consigne était de prévenir aussitôt les forts et de se replier tout en résistant énergiquement.

« La soirée de ce mercredi fut absolument tranquille. Une douzaine de dragons avaient galopé au delà de la frontière jusqu’en vue de la petite ville allemande d’Ébrecourt. Aucun mouvement de troupes ne se dessinait de ce côté ni sur la ligne de chemin de fer qui aboutit à Ébrecourt. Nuit paisible également. Pas un coup de fusil. Il est prouvé qu’à deux heures du matin pas un soldat allemand n’avait franchi la frontière. Or c’est à deux heures précises qu’une formidable détonation retentit. Quatre autres la suivirent à des intervalles très rapprochés. Ces cinq détonations étaient dues à l’explosion de cinq obus de 420 qui détruisirent du premier coup les trois coupoles du Grand-Jonas et les deux coupoles du Petit-Jonas.

— Comment ! mais Corvigny est à vingt-quatre kilomètres de la frontière, et les 420 ne portent pas à cette distance !

— N’empêche qu’il tomba encore six gros obus à Corvigny, tous sur l’église et sur la place. Et ces six obus tombèrent vingt minutes plus tard, c’est-à-dire au moment où l’on pouvait supposer que, l’alerte étant donnée, la garnison de Corvigny s’était rassemblée sur la place. C’est, en effet, ce qui eut lieu, et tu peux deviner le carnage qui en résulta.