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Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/94

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L’ÉCLAT D’OBUS

où les fatalités de la guerre se déchaînent dans leur tragique horreur, plus fortes que les forces mêmes de la nature, et, comme elles, aveugles, injustes et implacables. Il n’y avait rien à faire. Aucun de ces hommes n’eût songé à intercéder pour que l’action de l’artillerie cessât ou diminuât d’intensité. Et Paul n’y songea pas davantage.

Il murmura :

— On croirait que le feu de l’ennemi se ralentit. Peut-être sont-ils en retraite…

Trois obus qui éclatèrent au bas de la ville, derrière l’église, démentirent cet espoir. Le colonel hocha la tête.

— En retraite ? Pas encore. La place est trop importante pour eux, ils attendent des renforts, et ils ne lâcheront que quand nos régiments entreront dans la danse… ce qui ne saurait tarder.

En effet l’ordre d’avancer fut apporté quelques instants après au colonel. Le régiment suivrait la route et se déploierait dans les plaines situées à droite.

— Allons-y, messieurs, dit-il à ses officiers. La section du sergent Delroze marchera en tête. Sergent, point de direction : le château d’Ornequin. Il y a deux petits raccourcis. Vous les prendrez.

— Bien, mon colonel.

Toute la douleur et toute la rage de Paul s’exaspéraient en un immense besoin d’agir, et lorsqu’il se mit en chemin avec ses hommes il se sentit des forces inépuisables et le pouvoir de conquérir à lui seul la position ennemie. Il allait de l’un à l’autre avec la hâte infatigable d’un chien de berger qui pousse son troupeau.