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L’ÉCLAT D’OBUS
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meilleure preuve c’est qu’il riposte. Tenez, là-bas, à droite, cet obus qui éclate… et plus loin ce shrapnell… deux… trois shrapnells. Ce sont eux qui ont repéré les batteries que nous avons installées sur les hauteurs environnantes et qui les arrosent en conscience. Ils doivent avoir une vingtaine de canons.

— Mais alors, balbutia Paul assailli par une idée atroce, mais alors le tir de nos batteries est dirigé…

— Est dirigé vers eux, cela va sans dire. Voilà une bonne heure que nos soixante-quinze bombardent le château d’Ornequin.

Paul jeta un cri.

— Que dites-vous, mon colonel. Le château d’Ornequin est bombardé…

Et, près de lui, Bernard d’Andeville répétait avec angoisse :

— Bombardé, est-ce possible ?

Surpris, l’officier demanda :

— Vous connaissez ce château ? Il vous appartient peut-être ? Oui ? Et vous avez des parents qui l’habitent encore ?

— Ma femme, mon colonel.

Paul était très pâle. Bien qu’il s’efforçât, pour maîtriser son émotion, de conserver une immobilité rigide, ses mains tremblaient un peu et son menton se convulsait.

Sur le Grand-Jonas, trois pièces d’artillerie lourde, des Rimailho, hissés par des tracteurs, se mirent à tonner. Et cela, qui s’ajoutait à l’œuvre tenace des soixante-quinze, prenait, après les paroles de Paul Delroze, une signification terrible. Le colonel, et autour de lui les officiers qui avaient assisté à l’entretien, gardaient le silence. La situation était de celles