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Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/100

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Elle s’approcha du mur, et, au bout d’un instant tressaillit. La voix s’était élevée. Les sons devinrent plus distincts. Quelqu’un chantait, un enfant, et elle perçut ces mots :

« Et disait la maman,
« En berçant son enfant :

« Pleure pas. Quand on pleure
« La Bonn’Vierge aussi pleure… »

Véronique murmura :

« La chanson… la chanson… »

C’était celle-là même qu’Honorine avait fredonnée à Beg-Meil. Qui donc pouvait la chanter maintenant ? Un enfant, retenu dans l’île ? un ami de François ? Et la voix continuait :

« Faut qu’l’enfant chante et rie
« Pour qu’la Vierge sourie.

« Croise les mains, et prie
« La Bonn’Vierge Marie…  »

Les derniers vers furent suivis d’un silence qui dura quelques minutes. Tout-Va-Bien avait l’air d’écouter avec une attention croissante, comme si un événement, connu de lui, eût été sur le point de se produire. De fait, à la place même où il se tenait, il y eut un bruit léger de pierres qu’on remue avec précaution. Tout-Va-Bien agita sa queue frénétiquement et aboya pour ainsi dire en dedans de lui-même, en animal qui comprend le danger de rompre le silence. Et tout à coup, au-dessus de sa tête, une des pierres recula, attirée vers l’intérieur, et laissant un trou assez large.

D’un bond Tout-Va-Bien sauta dans ce trou, s’allongea et, s’aidant des pattes de derrière, se tortillant, rampant, disparut à l’intérieur.

« Ah ! voici monsieur Tout-Va-Bien, fit la voix de l’enfant. Comment cela va-t-il, monsieur Tout-Va-Bien,