Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et pourquoi n’est-on pas venu hier rendre visite à son maître ? De graves occupations ? Une promenade avec Honorine ? Ah ! si tu pouvais parler, hein, mon pauvre vieux, ce que tu en aurais à me raconter ! Et d’abord, voyons…

Toute palpitante, Véronique s’était agenouillée contre le mur. Était-ce la voix de son fils qui lui parvenait ? Devait-elle croire que François était de retour et qu’il se cachait ? Elle essayait vainement de voir. Le mur était large, et il y avait un coude dans l’ouverture qui le perçait. Mais comme chaque syllabe prononcée, chaque intonation arrivaient nettement à ses oreilles !

« Voyons, répéta l’enfant, pourquoi Honorine ne vient-elle pas me délivrer ? Pourquoi ne l’amènes-tu pas ici ? Tu m’as bien retrouvé, toi… Et grand-père, il doit s’inquiéter de mon absence ?… Mais quelle aventure, aussi ! Enfin tu ne changes toujours pas d’opinion, hein, mon vieux ? Tout va bien, n’est-ce pas ? Tout va de mieux en mieux ? »

Véronique ne comprenait pas. Son fils, — car elle ne pouvait douter que ce fût François, — son fils parlait comme s’il ignorait tout ce qui s’était passé. Avait-il donc oublié ? Sa mémoire n’avait-elle pas gardé la trace des actes accomplis pendant son accès de folie ?

« Oui, un accès de folie, pensait Véronique obstinément. Oui, il était fou. Honorine ne s’est pas trompée… il était fou… Et sa raison est revenue. Ah ! François… François… »

Elle écoutait, de tout son être tendu et de toute son âme frémissante, les mots qui pouvaient lui apporter tant de joie ou un tel accroissement de désespoir. Les ténèbres allaient se refermer sur elle plus épaisses et plus lourdes, ou le jour se lever dans cette nuit sans fin où elle se débattait depuis quinze ans.

« Mais oui, continuait l’enfant, nous sommes d’accord, tout va bien. Seulement, voilà, je serais rudement content si tu pouvais me le prouver par des preuves véritables. D’un côté pas de nouvelles de grand-père, ni d’Honorine, malgré tous les messages dont je t’ai chargé pour eux ; de l’autre, pas de nouvelles de Sté-